Ce disque rayé est rayé

Je me répète. Je répète ce que répètent les autres. Eux-mêmes reprennent le même discours, celui qui nous est servi depuis des lustres par la science et les gouvernements, les médecins, les entraîneurs. Chacun y va de sa nuance, de sa science. On menace, on cajole, on encourage, on dramatise.

On nous dit, on vous dit de bouger. Pas beaucoup, juste un peu. C’est gratuit. C’est bon pour la santé physique et mentale. Excellent pour éviter certains cancers, contrer les effets du diabète, repousser la dépression, se protéger de nombre d’infarctii du myocarde, de la sarcopénie et autres dissolutions de vos capacités.

Résultat ? Rien.

En fait non, pas rien. Ça empire. La population bouge de moins en moins, les enfants ne savent plus courir, les jeunes adultes s’empâtent et les vieux dépérissent.

Pourquoi ? Le cerveau. Pas le vôtre spécifiquement. Celui d’Homo Sapiens. Car ce gros connard se pense encore à l’Âge de pierre.

À cette époque pas si reculée (on a troqué la pierre pour le bronze il y a à peine 5000 ans), la vie était dure. Pour survivre, il fallait avoir du bol pour franchir l’enfance, puis courir après sa bouffe une fois grandi. Enfin repu, la meilleure tactique entre deux repas, c’était de ne rien faire. Quand les calories sont capables de délit de fuite, tu t’économises en racontant des histoires autour du feu. Pour passer le temps, tu pouvais grignoter un bout de bulbe, mais rien de quoi affoler tes papilles.

À l’époque, notre cerveau était donc notre allié. Il ne nous autorisait à nous fatiguer que sous la menace d’un danger ou d’une famine. Des millions d’années d’évolution à favoriser la paresse pour perpétuer l’espèce.

Et soudain, paf les vaches, vlan le blé, pouf les machines. En un instant, les calories perdent leur pattes et se retrouvent dans nos assiettes sans coup férir. Malheureusement, le cerveau n’a pas compris bien. Alors il fait comme avant et nous intime de ne pas bouger. C’est un réflexe ancestral, une protection tellement efficace qu’elle a permis que ce bipède fragile croisse et se multiplie. Merci chef

Sauf que ne JAMAIS rien faire est délétère. Le corps est fait pour bouger, son bon fonctionnement est basé là-dessus. Sans mouvement, tout fout le camp.

La science démontre sans aucune équivoque qu’on doit bouger. Oh, pas pour participer aux Jeux olympiques, non. Juste quitter son canapé, ne serait-ce que sortir marcher un peu, tous les jours. Mais, prise entre le cerveau et le bitume, la volonté est d’instinct dominée par le chef. Et finalement, bah, on reste assis…

Mais alors, comment combattre le naturel qui n’aime pas le galop ?

C’est là que le disque rayé intervient. Combatte le feu par le feu, le cerveau primitif par la matière grise. Apprendre, comprendre, savoir ce que l’activité physique nous apporte peut nous permettre de contrôler l’animal en nous, cette bête sortie de la savane et larguée sans mode d’emploi dans une jungle mécanisée.

À force d’entendre le message, on peut apprendre à contrôler la peur ancestrale, à la remplacer par l’exigence d’un processus pénible en échange d’un résultat à long terme un peu abstrait, des statistiques sans garantie. Si on y arrive, graduellement, le mouvement s’installe, même s’il est artificiel car on ne chasse rien, et le corps se retrouve en bien meilleure posture. Même la tête d’ailleurs, ce qui est ironique quand on pense que le gros con fait tout pour nous freiner dans notre élan… N’est-ce pas, chef ?

Mais c’est une lutte sans fin, car la brute ne sera jamais domestiquée et la motivation toujours en danger de rechute. 

Par exemple moi, même après toutes ces années, je dois tous les jours me convaincre d’aller bouger. Si je songe à me dégonfler, je ressors le disque rayé : ça peut être ce livre que j’ai lu, cette vidéo que j’ai vue, cette citation que j’ai entendue. Ce n’est pas important, tous répètent la même chose.

« Bouge ! »

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