Mais comment font-ils?

Les sportifs amateurs que j’admire le plus sont ceux qui commencent de zéro. Sans déconner, avez-vous la moindre idée de la détermination nécessaire pour faire le premier pas, lever sa première haltère, tenter son premier squat ? Et se présenter à une deuxième séance malgré les courbatures monumentales qui, forcément, suivent ?

Dans mon cas, ça fait 50 ans que je baigne dans le sport, grâce à mes parents professeurs d’éducation physique. Entre ma naissance et la fin de l’université, j’ai essayé (dans le désordre) l’athlétisme, le hockey, le plongeon, le golf, le tennis, l’aïkido, le ski, la randonnée, la course, le roller, le volley, le handball, le basket, etc.

De tous les sports essayés dans ma jeunesse, je n’en pratique plus aucun. Quant à la course à pied, je pense avoir abandonné cette activité au moins cinq fois dans ma vie. Et en musculation, c’est un minimum de quatre essais en trois décennies avant que l’habitude ne s’installe… il y a deux ans seulement. Et encore, je me suis forcé pendant six mois avant de commencer à y prendre goût.

Et ces statistiques pleines de trous proviennent d’un Obélix de la potion athlétique, qui est tombé dans la marmite quand il était petit. À chaque essai, sans connaître spécifiquement tel ou tel sport, j’avais au moins l’avantage de savoir approximativement ce qui m’attendait, physiologiquement parlant, à court et à long terme.

Mais ceux qui décident de se prendre en main sans aucun passé sportif n’ont strictement aucune idée de la tonne de briques qui va leur tomber dessus dès la première journée ni du champ de mines dans lequel ils s’apprêtent à mettre les pieds.

Je n’ai jamais été un débutant et, malgré mon expérience, je suis à chaque fois terriblement surpris de la difficulté de la reprise après une courte pause. J’insiste sur « reprise » et sur « courte pause ».

Dernier exemple en date : mon retour de cette très longue randonnée, de Key West aux Appalaches. Des mois de préparation, des milliers de kilomètres de course, plus de 200 heures de musculation pour ensuite franchir (sans encombre) 3700 km de sentiers en 105 jours. Une fois revenu au bercail, j’ai repris ma routine d’entraînement le surlendemain.

Oh putain… et, à défaut de pouvoir lever des trucs véritablement lourds, je pèse mes mots.

Ces 15 minutes et 58 secondes ont été passées à péniblement accomplir l’échauffement des séances prescrites par Jocko Willink. Et quand je dis accomplir, c’est une exagération car je n’étais plus en mesure de faire les séries complètes. Une humiliation en comparaison de ce que je pouvais faire quelques mois plus tôt.

Et le pire était à venir. Dans les jours suivants, mon corps m’a semblé être en état de choc : douleurs musculaires intenses, difficulté à accomplir les mouvements les plus banals, l’impression de faire une légère fièvre… Dire que ce même bonhomme était en mesure, avant-hier, de marcher 40 km par jour en montagne, tous les jours, sans broncher.

Il m’aura fallu un mois de séances régulières pour venir (péniblement) à bout de cet échauffement et enfin reprendre le programme dit « pour débutant ».

C’est à l’occasion de cette enième reprise que j’ai pensé à ceux qui commencent tout court. Quel courage, ou quelle naïveté, je ne suis plus certain.

On a beau répéter que l’activité physique est bénéfique à long terme, il faut quand même s’y coller (presque) tous les jours et accepter de se prendre une grosse claque à l’orgueil en constatant que non seulement les exercices en apparence les plus simples resteront longtemps infaisables, mais que les conséquences immédiates sont une destruction musculaire incapacitante.

Je réalise que je dois profiter de l’occasion pour m’excuser de contribuer au problème. En publiant les photos de mes entraînements, images que je sélectionne avant tout en fonction de leur qualité esthétique, je cherche à documenter le processus répétitif, le seul susceptible de donner des résultats. Mais j’occulte involontairement les difficultés surmontées pour venir à bout de ces quelques dizaines de minutes de mouvement.

Car, j’insiste, ces séances ne sont jamais agréables. Progresser ne signifie pas que ça devient plus facile. J’arrive juste à avoir mal plus longtemps. De 15 minutes, je suis passé à 75 minutes. Et chacune de ces minutes se mérite.

D’un autre côté, prise dans sa totalité, cette séquence d’images démontre que la constance fonctionne, non ? Mais les tendances à long terme sont solubles dans les réseaux sociaux, qui ne carburent qu’à l’instantané.

Bref, revenons à nos héroïques débutants, ceux que j’espère convaincre de bouger alors que mes propres publications ont possiblement tendance à les décourager.

En amont de toutes ces images, en prélude à mes aventures au long court, il y a des années d’essais et d’erreurs, d’abandons et d’échecs, de panne de motivation, d’arrêts complets, de reprises, de questionnements sur l’intérêt de mettre le pied dehors ou de saisir une barre lestée.

Un champ de mines, je disais. Mais comment décrire ça en image, comment expliquer au sportif en devenir que son parcours sera long, pénible et parsemé de pièges ?

Je le savais, et j’ai plusieurs fois failli ne pas m’en remettre. Alors, admirables athlètes partis de zéro, je pense qu’à votre place, j’aurai laissé tomber. Bravo, vous êtes magnifiques.

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