Motivation ou découragement ? Ça dépend.
Ah, ces paysages de haute montagne, ce coureur qui joue à l’équilibriste sur les crêtes, ce sprint suicidaire dans les pentes rocailleuses, ça permet d’échapper quelques secondes à la grisaille de la banlieue de Montréal.
En même temps, ça fait chier…
Autre sport, même constat : voici qu’on me propose la vidéo d’une jeune femme qui exécute un épaulé-jetté avec une barre plus chargée que toute ma collection personnelle de plaques en fonte.
Spectaculaire ou humiliant, c’est selon.
Mais qui sont ces gens ?
Réponse facile : des influenceurs.
En vrai : des sportifs de haut niveau, au sommet de leur art et qui nous font l’honneur de partager avec talent leur quotidien.
Seulement voilà, vous et moi ne sommes pas des athlètes de calibre olympique et nos talents sont ailleurs, probablement noyés dans les responsabilités familiales et les remboursements hypothécaires.
On dit toujours qu’il faut éviter de se comparer, mais dans ce cas, l’exercice est intéressant.
Il y a de bonnes chances que les coureurs que nous suivons terminent un marathon en moins de 3 heures, une performance qui les place dans les 2% de tête. Une proportion déjà anémique qui ne doit pas nous faire oublier que 80% des coureurs ne termineront jamais de marathon, que la grande majorité des sportifs amateurs ne sont pas des coureurs et que seulement un tiers de la population générale bouge régulièrement.
Pour ceux qui préfèrent la force à l’endurance, si vous voyez une femme qui publie une vidéo d’elle en train de lever deux fois son poids pour le placer au-dessus de sa tête, vous assistez là encore à une performance d’exception, le produit d’une discipline de fer respectée pendant des années et, vraisemblablement, d’une génétique favorable.
De véritables artistes, tout comme les danseurs classiques ou les acrobates du cirque. Si on ne doit pas se comparer, quelle leçon retenir de ces numéros de haute voltige ? Au-delà du découragement, de l’humiliation ou de l’envie qui peut nous saisir en regardant ces images, ce réalisme qui nous dit que jamais nous ne seront eux, une vérité universelle cependant persiste : la constance.
Même les enfants peuvent l’apprendre. Comme mon fils, qui a commencé il y a quelques années à s’intéresser au basket. Frêle comme un gamin de 12 ans, il se faisait servir des vidéos de grands costauds capables de porter le ballon jusqu’au panier d’un élan aérien. Le rêve pour un gnome prépubère.
Abreuvé par ces images, il s’est mis à vouloir sauter plus haut, devenir plus fort… mais pas dans cinq ans, tout de suite ! Son premier réflexe a été de fouiller sur internet pour savoir s’il y avait un raccourci, une formule magique, un produit miracle qui ferait pousser du muscle et combattre la gravité.
À peu près en même temps, Anne et moi avons commencé à nous entraîner quotidiennement dans notre grange, rénovée en pleine pandémie pour devenir un bureau et une salle de sport. Mes débuts ont été laborieux, peinant à effectuer une seule traction ou enchaîner proprement quelques pompes, me retrouvant sur la touche, affligé de courbatures débilitantes.
Nos enfants ont vu ça, la réalité, l’envers de Tik Tok. Puis nous avons continué. Une semaine, un mois, plusieurs mois à recommencer, progresser de manière imperceptible, à se faire demander par les gamins si nous allions encore dans la grange aujourd’hui, si on y était arrivé finalement à monter un peu plus haut.
Oui, et oui.
« Bravo. »
« Merci. »
Puis, un jour, ces mêmes enfants ont décidé, par eux-mêmes, de se créer eux aussi une routine d’entraînement quotidienne. Des pompes, des redressements assis, des planches. Rien de compliqué, rien de tape-à-l’œil, pas de quoi publier sur Instagram, juste de quoi devenir lentement meilleur.
Et mon fils, ayant depuis intégré l’équipe de basket de l’école, se réjouit lorsque les séances de musculation sont au programme. Car il l’a vu, il le sait qu’à la longue, ça fonctionne pour vrai.
Comme pour la lecture, montrez l’exemple : si vous voulez que vos enfants lisent, lâchez vos écrans et prenez un bouquin. Vous voulez qu’ils bougent ? À vos marques…
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